Les centrales d’achat publiques Uniha et le CAIH ont publié le premier baromètre de l’usage de l’IA en établissement, qu’elles veulent rendre annuel. Les résultats pointent un usage en plein développement mais qui pose des enjeux de formation et de sécurité des données. Des discussions ont été engagées avec des éditeurs français.

Pour Uniha, principale centrale d’achat des hôpitaux publics, et la Centrale d’achat de l’informatique hospitalière (CAIH), les résultats se veulent « rassurants et encourageants« . C’est en tout cas l’état d’esprit des dirigeants des deux entités qui se sont réunis le 13 novembre à Paris pour présenter les résultats du premier baromètre sur l’adoption de l’intelligence artificielle (IA) dans le secteur, commandé à l’institut Ifop. L’enquête s’est appuyée sur les réponses de près de 1 000 personnes, toutes catégories professionnelles confondues, dont 56% de soignants.
Parmi les enseignements principaux du baromètre, figure l’adoption manifeste des outils embarquant de l’IA par les professionnels du secteur. Par exemple, 66% des répondants perçoivent l’IA positivement, 92% constatent un gain de temps à son usage et 70% une amélioration de la qualité du travail. Dans le détail, seuls 3% des répondants envisagent l’implémentation de l’IA dans leur métier comme très négativement, 22% de façon neutre et 19% très positivement. Son usage dans les établissements se concentre, selon le baromètre, en particulier sur les questions d’imagerie médicale, de rédaction des comptes rendus et d’aide au diagnostic. Même si presque la moitié des répondants à l’enquête ne sont pas des soignants, les enjeux d’organisation, de logistique et de tâches administratives n’arrivent que loin derrière dans le classement des usages institutionnalisés.
Une question de formation
En revanche, les freins ne sont pas négligés par les répondants. Ils évoquent tour à tour les « doutes sur la fiabilité des résultats fournis par ces outils« , « le manque de formation et d’accompagnement » et « des enjeux éthiques ou de sécurité« . Le deuxième point est érigé en « priorité absolue« , par Walid Ben Brahim, directeur général d’Uniha. Toujours selon l’enquête Ifop, seuls 6% des répondants ont reçu une formation à l’usage de ces outils et 51% estiment avoir une connaissance limitée de ces outils.
« C’est justement car nous l’avons identifié comme un véritable enjeu charnière et un cercle vicieux potentiel que nous sommes en train de recruter à la délégation au numérique en santé (DNS) un fonctionnaire en charge de cette question« , embraye David Sainati, codélégué du numérique en santé. « Ce qui sera davantage intéressant est aussi de voir l’évolution grâce à la prochaine édition du barème« , déjà prévue pour l’année prochaine, note le directeur général de la centrale d’achat.
Le baromètre pointe aussi un enjeu majeur de sécurité des systèmes d’information et des données. Selon l’étude, 32% des agents hospitaliers utilisent l’IA dans le cadre professionnel à l’aide d’outils personnels. Un chiffre qui pourrait évidemment être sous estimé car déclaratif, notent les responsables d’Uniha. Arnaud Vanneste, directeur général du CHU de Nancy (Meurthe-et-Moselle), a mené l’expérience « après avoir entendu des chefs de service dire que cet usage non maîtrisé s’est répandu » et les résultats sont édifiants.
Des usages importants et non maîtrisés
Rien qu’en août, la direction des services d’informations du CHU a observé 400 000 connexions à des outils d’IA générative non spécialisées depuis des postes du CHU, à 60% vers ChatGPT. Ce qui inquiète le plus le directeur est la nature des services concernés, pour beaucoup des internes, mais aussi par exemple 15 000 connexions en un mois depuis des postes de secrétaire médicale. « On imagine bien que ce qui est envoyé est complètement en dehors des réglementations« , s’inquiète le directeur général, qui a entrepris des actions de sensibilisation. Des discussions ont été entamées entre Mistral IA, éditeur français d’IA générative, et Uniha, pour endiguer le phénomène et sécuriser cet usage. Arnaud Vanneste milite d’ailleurs aussi en faveur de la généralisation de ce test dans l’ensemble des centres hospitaliers « pour mesurer l’ampleur du phénomène« .
Face à l’importance mesurée de « structurer et d’accompagner les établissements dans le déploiement de leur politique d’intelligence artificielle« , Uniha a décidé d’intensifier leur programme dédié lancé début 2025, en créant la première édition des « trophées initiative« , visant à récompenser les projets hospitaliers embarquant de l’IA. Les lauréats bénéficieront d’une dotation parmi une enveloppe de 60 000 euros mobilisée par la centrale d’achat, ainsi que d’un accompagnement offert.

