Les établissements de santé seraient les grands gagnants du contexte économique des plus atones dans le secteur du bâtiment. Les entreprises s’y intéressent désormais, nourrissant la concurrence et faisant chuter les prix des marchés de travaux.

Une bouffée d’air du côté de l’investissement immobilier hospitalier ? La période actuelle serait « propice » au lancement d’opérations, laisse entendre l’Agence nationale de la performance sanitaire et médico-sociale (Anap) dans sa cinquième note de conjoncture économique trimestrielle sur le prix des travaux publiée le 3 mars. Les établissements de santé doivent pouvoir tirer profit des prévisions pas franchement optimistes dans le secteur du logement. « Les mises en chantier devraient reculer de 14% et pour les permis de construire la baisse annoncée est de 15%, note l’Anap. Le secteur risque de perdre près de 100 000 emplois en 2025. » Or, par effet domino, « les investissements dans la santé commencent à intéresser un nombre croissant d’entreprises« .
L’appétence des entreprises pour la santé
En ce moment, l’arrivée de ces acteurs jusqu’alors positionnés sur la construction de logements ne peut que générer « une concurrence accrue […], y compris récemment pour des lots techniques ». L’appétence des entreprises pour le marché de la santé est clairement avérée et « une stabilisation voire une réelle baisse des prix est constatée lors des derniers appels d’offres lancés« . Cette dynamique est en outre portée par la stabilisation continue depuis maintenant avril 2023 de l’indice national du bâtiment tous corps d’état (BT01), qui s’élevait à 130,5 il y a de cela presque deux ans contre 131 en avril et 131,5 en novembre derniers. En somme, son évolution 2023-2024 n’a été que de 0,9%.
Pour sécuriser leurs projets, il est proposé aux maîtres d’ouvrage d’envisager, si leur opération s’y prête, sa division en plusieurs tranches (ferme et optionnelles), développées dans un rythme d’investissements soutenable.
Extrait de la note de conjoncture de l’Anap
Pour réduire plus encore les coûts initiaux et opérationnels des projets sanitaires à haute technicité, tout en améliorant la résilience et l’efficacité énergétique des bâtiments, l’approche low tech reste l’une des pistes à explorer dès la phase de programmation, rappelle l’Anap, un élément évoqué dans sa précédente note de conjoncture. Cette fois, elle insiste en parallèle sur l’intérêt des tranches conditionnelles pour ces mêmes chantiers sanitaires grande ampleur et donc de plusieurs années. « Pour les sécuriser, il est proposé aux maîtres d’ouvrage d’envisager, si leur opération s’y prête, sa division en plusieurs tranches (ferme et optionnelles), développées dans un rythme d’investissements soutenable« , explique l’agence.
Concrètement, il s’agit pour eux ainsi de commencer par les travaux de sécurisation des bâtiments et de leur activité avant de poursuivre par les chantiers nécessaires à la modernisation de leur site. S’ensuit en dernier ressort « des opérations ne s’imposant pas dans un premier temps mais qui permettront de répondre aux développements des activités à venir, au sein de l’établissement ou de son territoire de santé« , glisse l’Anap. En parallèle, l’agence recommande chaudement d’utiliser des outils de type « matrice analytique des risques » et ceci dès la phase de gestation d’un projet puis tout au long de son déroulement, surtout en cas de construction-réhabilitation étalée sur plusieurs années.
La plaine utilité d’une matrice des risques
Cette répartition des risques contractuels entre le maître d’ouvrage d’un côté, l’entreprise et le concepteur de l’autre, joue en effet un rôle crucial dans la gestion des coûts de conception et de construction, rappelle ainsi Pascal Martinet, membre du laboratoire de la performance immobilière de l’Anap, dont les propos sont repris dans la note. Or à ce titre « un contrat très strict et totalement protecteur pour le maître d’ouvrage, avec des choix programmatiques et stratégiques non définitifs et ambigus, transfère nombre de risques au concepteur ou à l’entreprise, ce qui entraîne de fait des provisions pour la gestion de ces risques et donc des surcoûts directs sur les investissements« .
L’idée sous-jacente est de « déterminer quels risques peuvent être assumés par la maîtrise d’ouvrage et lesquels doivent être transférés à un tiers« , relate l’intéressé. Cette « analyse approfondie et répartition équilibrée des risques-matrice des risques » peut conduire à une « optimisation significative des coûts » en réduisant les imprévus et autres surcoûts associés aux aléas et à la mauvaise gestion des risques. En somme, appuie l’Anap, « un travail collaboratif sur la répartition des risques, avec une prise en charge adéquate par la maîtrise d’ouvrage sur certains aspects, favorise une meilleure maîtrise des coûts de conception et de construction« .
Quarante-six fiches repères surfaciques accessibles
Outre sa note de conjoncture, l’Anap profite de ce début mars pour finaliser après deux ans de travaux tout une série de fiches repères surfaciques pour les établissements sanitaires. Ce travail s’inscrit dans la suite de la refonte au printemps 2023 de l’Observatoire des surfaces et des coûts immobiliers en établissement sanitaire et médico-social (Oscimes) et la publication quelques mois plus tôt d’un nouveau référentiel destiné aux hôpitaux publics consacré au dimensionnement surfacique et aux préconisations architecturales entourant un projet immobilier.
Au total, 46 repères dimensionnels existent désormais, entre le plateau technique (14), l’hospitalisation (7), le plateau technique exploratoire-consultations (5), la logistique générale (6), la logistique médico-technique (5), la restauration (2) ainsi que les secteurs administratifs et techniques (7). « Chaque fiche comporte des points de vigilance et des schémas fonctionnels permettant à l’utilisateur de mieux concevoir un projet« , précise l’agence. Dans le médico-social, si les Ehpad en disposent déjà, le champ du handicap devrait sous peu lui aussi en avoir.