Les conceptions immobilières et la rénovation des bâtiments de santé existants vont devoir intégrer les enjeux de résilience à court et à long terme. Pour ce faire, il faut prendre en compte l’usage médical et réaliser un diagnostic du territoire.
Laurie Marrauld, maître de conférences à l’École des hautes études en santé publique (EHESP) et chef de projet santé au Shift project, abonde : « Un des grands défis est de pouvoir construire des choses résilientes« . Parmi les exemples cités par les intervenants : le numérique durable, la gestion du tri, des blocs opératoires avec des fenêtres, la mise en place de la stérilisation au profit de l’usage unique… « J’ai l’impression que quand un nouveau bâtiment est construit, nous ne partons pas de l’usage médical, de ce qui est bien pour les soignants et les patients, remarque Patrick Pessaux, professeur des universités-praticien hospitalier au CHU de Strasbourg (Collectivité européenne d’Alsace). Nous le construisons et ensuite nous voyons comment l’aménager au mieux. Il faudrait avoir une réflexion à partir du projet médical. »
La rénovation comme enjeu principal
Pour Emmanuelle Gaudemer, directrice associée au cabinet d’architecture AIA, il faut également introduire dans le cahier des charges d’un projet de construction neuve un diagnostic du territoire pour avoir une idée des enjeux du terrain. « Nous ne devrions pas faire du neuf sans faire ce diagnostic qui donne les signaux forts et faibles d’un territoire ». Il faudrait, selon elle, imposer davantage de contraintes et avoir des cahiers des charges plus précis, faute de quoi les changements nécessaires au regard du changement climatique et des enjeux de santé globale ne seront pas réalisés.
Si nous ne changeons pas maintenant, nous maintenons la vulnérabilité du secteur de la santé.
Camille Devroedt, ingénieur et responsable projet au pôle immobilier et RSE de l’Anap
Au-delà des nouvelles constructions, Laurie Marrauld insiste sur le fait que l’enjeu principal réside dans la gestion des « anciennes infrastructures » qu’il faut « transformer en quelque chose de résilient ». Avec une question concrète : Comment va se passer cet été ? Pour Camille Devroedt, il ne faut plus compter sur le fait d’asperger d’eau les condenseurs « conçus pour supporter 35 degrés ». « Si nous ne changeons pas maintenant, nous maintenons la vulnérabilité du secteur de la santé », insiste l’ingénieur.
Allouer des ressources financières et humaines
Raphaël Yven, secrétaire général du CHU de Bordeaux (Gironde), énumère trois enjeux quant aux actions déployées pour rendre les bâtiments résilients : la temporalité, l’intensité et la priorité. Sur la temporalité, il craint que « nos visions traditionnelles des bâtiments nous fassent passer à côté de l’enjeu écologique ». Il déplore « les sous-investissements dans la maintenance des bâtiments » et estime que « nous passons à côté de la rénovation, ce qui met en difficulté les organisations fragilisées par les conséquences du changement climatique ». Pour lui, il faut « des arbitrages pour agir à court terme et anticiper la dégradation des infrastructures sur le long terme ».
Concernant l’intensité, il se demande si les mesures mises en place sont suffisantes pour répondre à l’urgence à court terme. Sur le volet priorité enfin, il constate : « En ayant conscience que nous avons atteint un point de rupture, nous restons dans la même routine qu’auparavant. Ne faut-il pas prioriser différemment la mobilisation de nos ressources financières et humaines ? » Sur la question des ressources humaines justement, se pose la question des compétences. Camille Devroedt prend l’exemple des 150 postes de conseillers en transition énergétique et écologique en santé (CTEES) coordonnés par l’Anap et dont seul les deux tiers sont pourvus deux ans après le lancement. « Il y a des métiers à créer et des professionnels à attirer, à recruter », note l’ingénieur. Des sujets en cours de réflexion et d’élaboration à l’EHESP, glisse Laurie Marrauld. Conclusion de cette conférence : « Tout est possible, il faut le vouloir et le financer ».