Le gérontopôle de Toulouse s’engage largement dans la voie de la géroscience

capture-decran-2016-12-02-a-16-10-06Publié le 08/09/2023 par Lydie Watremetz
Article Hospimedia

Premier gérontopôle, centre collaborateur de l’OMS pour le programme Icope ou encore premier institut hospitalo-universitaire sur le vieillissement… les acteurs de la recherche sur le grand âge en Occitanie font figure de précurseurs. Des cohortes Inspire du gérontopôle à l’IHU, l’objectif est le même : favoriser le vieillissement en bonne santé.

Pour évoquer les caractéristiques du gérontopôle de Toulouse (Haute-Garonne), son coordonnateur et fondateur Bruno Vellas a reçu, avec une partie de ses équipes, Hospimedia à la Cité de la santé à l’hôpital La Grave à Toulouse (Haute-Garonne). Ce gérontopôle a été le premier et le seul labellisé par le ministère de la Santé en 2007 quand Françoise Forette était conseillère du ministre Philippe Bas. Depuis sa création, il se situe au sein du CHU toulousain et est intégré au pôle de gériatrie (lire l’article HOSPIMEDIA). Il est devenu centre collaborateur de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) dans le domaine de la recherche clinique, la géroscience et la formation. Plus récemment, le CHU de Toulouse a été retenu parmi les lauréats d’une nouvelle vague d’instituts hospitalo-universitaires dans la catégorie IHU émergent pour animer cette fois le premier IHU HealthAge défendant un programme centré sur la compréhension et la prévention du déclin des fonctions liées au vieillissement. Le Pr Bruno Vellas souligne que cette discipline est émergente. « Toutes les disciplines se construisent traditionnellement en commençant par être sociales puis elles développent la recherche clinique, c’est ce qu’on a fait avec les gérontopôles, avant de se lancer dans la recherche translationnelle à partir des modèles animaux cellulaires jusqu’à l’homme. Ceci est le domaine de la géroscience sur lequel nous nous spécialisons actuellement. »

Un millier de volontaires à la recherche

Le Dr Sophie Guyonnet, qui pilote la recherche translationnelle ou cohorte inspire-T sur les biomarqueurs de l’âge, souligne la spécificité de cette initiative fédérant un consortium de cliniciens et biologistes. Cette étude a été lancée par le CHU de Toulouse, l’université de Toulouse 3, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et le Centre national de recherche scientifique. L’objectif est de déterminer les processus biologiques du vieillissement en bonne santé et aussi d’arriver à déterminer un âge biologique au-delà du simple âge civil. Outre des bilans à un ou deux ans, les participants, de 20 ans et plus, évaluent régulièrement à leur domicile leurs fonctions grâce à l’application Icope monitor. Sophie Guyonnet constate que le recrutement des plus âgés peut être difficile. Depuis trois ans, date du début de l’étude, 110 participants sont sortis et ont dû être remplacés. Les bilans avec les participants sont aussi l’occasion de dispenser des conseils de prévention. Une façon, pour elle, d’impliquer ou de fidéliser les membres de la cohorte dans cette étude qui s’inscrit dans le long terme.

Le gérontopôle de Toulouse est non seulement lié au CHU mais aussi à l’université et plus largement au monde de la recherche. Il a fait le choix de ne pas créer sa propre association. Cette situation lui confère une place particulière. Les différents acteurs de la recherche toulousaine sur le vieillissement (rencontrés lors de la visite d’Hospimedia) considèrent le gérontopôle comme un label voire un étendard au service d’une nouvelle vision de la prise en charge du vieillissement via la prévention (avec le programme Icope, pour integrated care of older people) ou encore les cohortes de la plateforme de recherche Inspire. Au sein de l’IHU (lire l’encadré ci-dessous) c’est une dizaine d’équipes qui centrent leurs travaux sur la biologie du vieillissement ou l’épidémiologie.

Par ailleurs, le Centre d’épidémiologie et de recherche en santé des populations se retrouve également associé de longue date au gérontopôle de Toulouse. Pour Bruno Vellas, le gérontopôle s’est vraiment construit sur le modèle des oncopoles qui dépendent de grands centres hospitaliers de recherche. Quant à la place des entreprises ? Dans le cadre de l’IHU, est prévue la création d’une fondation qui comprendra des partenaires industriels sur des programmes de recherche et aussi un ensemble de biotechnologies.

Deux cohortes animales sur le vieillissement

Dans le cadre des recherches de la plateforme Inspire, deux cohortes animales (souris et poissons) ont été mises en place. Yohan Santin fait partie du centre de recherche Inserm sur la géroscience qui travaille sur la cohorte souris. Il souligne qu’il s’agit de la troisième cohorte de souris sur le vieillissement dans le monde. Les deux autres se trouvent aux États-Unis. L’une relève de l’Institut national du vieillissement à Baltimore et l’autre est portée par la start-up californienne Calico créée par Google. Une des spécificités de cette cohorte : avoir été conçue en miroir de la cohorte humaine et se rapprocher le plus des caractéristiques hétérogènes génétiques des hommes. Elle se compose de 1 600 souris regroupées par groupe d’âge de six mois (représentant les caractéristiques humaines de l’âge de 30 ans), 12 mois (pour 45 ans), 18 mois (pour 70 ans) et 24 mois (pour 80 ans). L’observation et la collecte des données (fonctions musculaires, anxiété, cardiaque, mémoire, muscle, métabolisme, urine…) ont duré deux ans jusqu’en décembre dernier via notamment des cages connectées. Un article scientifique descriptif est paru et un autre en cours doit présenter les résultats sur cette étude fonctionnelle du vieillissement.

L’autre cohorte se compose de poissons african killifish qui se caractérisent par une durée de vie la plus courte (entre quatre et six mois) pour un vertébré, impliquant un vieillissement accéléré. Cette recherche est notamment menée à l’institut Restore de l’Inserm par Jean-Philippe Pradère et Cédric Dray. Ce dernier souligne que ces poissons pendant leur courte durée de vie ont les mêmes marqueurs de vieillissement que les humains. Nous essayons donc avec ce poisson d’étudier les six fonctions Icope y compris l’audition et la vision.

Le fondateur du gérontopôle explique que la Cité de santé privilégie la prévention des séniors. Pour cela, le site regroupe un pôle ambulatoire qui comprend les consultations, un hôpital de jour de la fragilité, le centre mémoire, le centre de recherche clinique ou encore les équipes Icope.

Bruno Vellas regrette que notre système de santé ne soit pas adapté au vieillissement. « Si on le considère comme un escalier, en haut des marches la population est robuste et en bas, dépendante. Cette organisation nous pousse à dégringoler l’escalier. Quand on se trouve en bas on arrive dans l’ordre aux urgences puis à l’hôpital et en Ehpad. Ce système n’est pas soutenable ni d’un point de vue humain pour les séniors ni économique. Notre société ne dispose plus des ressources humaines suffisantes pour s’occuper des âgés. L’OMS a constaté cette problématique et a donc mis en place le programme Icope centré sur la préservation des six fonctions (vue, audition, mémoire, bien-être psychique, mobilité, nutrition) ».

Une ouverture internationale

En devenant centre collaborateur de l’OMS, le gérontopôle de Toulouse a pris en quelque sorte une dimension internationale qui se confirme avec l’IHU et la mise en place notamment d’une plateforme d’essais cliniques. Cet été, un groupe d’experts, sous la direction du Pr Yves Rolland, gériatre au CHU de Toulouse, a publié un article dans la revue scientifique Nature Communications sur les enjeux de la géroscience et des mécanismes biologiques du vieillissement. Des travaux sont en cours pour évaluer les bénéfices des molécules dites géroprotectrices. Il estime que la création du gérontopôle a aussi contribué à donner à la gériatrie une image différente tournée vers l’innovation, la recherche et les porteurs de projets. Il présente la géroscience comme un nouveau rendez-vous à ne pas manquer et aussi comme la possibilité pour les professionnels du grand âge de faire évoluer leurs pratiques.

À côté d’une médecine centrée sur le diagnostic et qui aboutit à la dépendance, Bruno Vellas défend avec ses équipes l’idée qu’il faut développer une autre médecine qui vise à conserver les fonctions et pas seulement les récupérer quand on les a perdues. La surveillance digitale mise en place en Occitanie permet dans le cadre du programme Icope de suivre 40 000 séniors. Pour changer la donne, il salue la perspective d’un déploiement national du programme Icope. Pour l’instant, l’Occitanie est la seule région à proposer le programme dans l’ensemble de ses départements.

Bruno Vellas reconnaît que le changement des pratiques est compliqué. Il dit aussi attendre les résultats obtenus dans les autres régions qui ont expérimenté le programme. « Je compte beaucoup sur l’union des gérontopôles pour diffuser largement cette nouvelle vision de la prise en charge« . Il ajoute qu’il « il faudra toutefois s’assurer que tous les gérontopôles possèdent les capacités nécessaires tant au niveau de l’enseignement que des soins et de la recherche. Sur Toulouse, avec le pôle gériatrique, ce sont cinq cents personnes qui travaillent sur le vieillissement. » Il insiste sur le fait que le changement de pratique n’est pas évident. Il considère qu' »il est important de veiller à ce que les gérontopôles répondent à une homogénéité même relative. Ils peuvent être complémentaires mais tous devront apporter une contribution significative« .

L’avenir du gérontopôle passe par l’IHU

Les axes principaux consistent à :

  • développer Icope et la médecine de longévité en santé. Pour cela, Toulouse va notamment ouvrir une clinique sur cette thématique ;
  • mettre en place une plate-forme de recherche préclinique et clinique en gérosciences.
  • réaliser une étude d’impact randomisée contrôlée d’Icope monitor pour montrer les impacts cliniques en termes d’économie de la santé ;
  • étudier la cohorte Inspire T (pour recherche translationnelle) composée de 1 000 sujets de 20 à plus de 100 ans sur une période de 10 ans pour évaluer l’âge biologique en étudiant différents marqueurs (cliniques et biologiques) qui comprennent l’étude de l’horloge épigénétique, l’horloge inflammatoire ou la lipidomique… En miroir (recherche fondamentale), une cohorte de 1 400 souris est aussi analysée sur les mêmes marqueurs pour trouver des cibles et des nouvelles thérapeutiques dans le domaine de la géroscience

Contenu en relation

Prospecter dans la santé

 

Connaître l'écosystème de son prospect

Un livre blanc proposé par HOSPIMEDIA Nominations