Yannick Neuder, le ministre de la Santé et de l’Accès aux soins, a détaillé les mesures prises dans le cadre de la stratégie intelligence artificielle et données de santé. Les mesures visent à massifier l’usage secondaire des données de santé et donner un cadre à l’implémentation de l’IA en santé.

Cette stratégie est pensée en deux chapitres : l’un sur l’usage secondaire des données de santé, le second sur l’implémentation de l’IA dans le secteur de la santé. L’un ne pouvant aller sans l’autre. Comme première action menée dans le cadre de cette toute jeune stratégie, le ministère de la Santé et de l’Accès aux soins a publié une offre de marché public visant l’hébergement d’une copie du système national des données de santé (SNDS) vers une « solution souveraine » dite « intercalaire » avec la base principale, ouvrant la perspective sur un plus long terme à la migration complète du SNDS vers une solution de cloud souverain.
Partage des données «massifié»
Mais l’objectif premier de ce dispositif est de « désengorger la liste des projets en attente d’accès aux données du SNDS», indique le ministère pour défendre sa « solution intercalaire», en rendant plus simple l’usage des données de santé pour les chercheurs ou industriels, jugée encore trop rigide. Signe d’un véritable « virage », le ministère a annoncé le chamboulement de la gouvernance des données de santé, répondant à une attente du secteur, selon les fonctionnaires de la Délégation au numérique en santé (DNS). Le Comité stratégique des données de santé, installé en 2021, va être mué en Conférence des parties prenantes, début 2026, en s’inspirant des recommandations du règlement de l’Espace européen des données de santé. Cette nouvelle organisation devrait réunir davantage d’acteurs divers.
Autre changement majeur : les détenteurs de données sont désormais tenus de les mettre à disposition. Dans le cas où certains propriétaires d’entrepôts de données de santé bloqueraient des partages, l’autorité régulatrice pourra sévir, prévient Hela Ghariani, déléguée au numérique en santé. En contrepartie, les institutions comptent mettre sur pied un cadre de redevances d’utilisation de ces données retravaillées pour sécuriser le modèle économique des entrepôts de données.
Poursuivant dans l’optique de massifier l’usage secondaire des données de santé, le ministre de la Santé et de l’Accès aux soins a aussi annoncé la possibilité pour les détenteurs d’entrepôts de données de santé de mettre à disposition leurs données dans le SNDS, à titre facultatif. Les institutions travaillent aussi à la mise en place d’une liste de 51 variables à implémenter dans chaque entrepôt de données de santé pour rendre les bases de données interopérables.
Investissement dans l’intelligence artificielle
Le deuxième chapitre de ce plan, dédié à l’IA, est lancé avec la publication de deux appels à manifestation d’intérêt dédiés à l’expérimentation en établissement d’outils d’intelligence artificielle, financés à hauteur de 2 millions d’euros, et pour lesquels les établissements ont jusqu’au 31 juillet pour candidater. Le premier appel concerne les solutions de gestion pratique (plannings) et le second les Samu et services d’urgences.
Dans ce cadre, la Délégation au numérique en santé (DNS) et Uniha ont déjà signé une convention, permettant de référencer automatiquement les solutions embarquant de l’IA qui auraient montré leurs preuves dans le cadre d’une expérimentation en établissement public, sécurisant ainsi les investissements dans ces outils, « en ne s’arrêtant pas à ce que dit le constructeur dans sa brochure, mais à partir d’une évaluation rigoureuse » complète Hela Ghariani. La DNS annonce d’ailleurs signer une convention similaire avec une autre centrale d’achat, le Resah, le 3 juillet.
Le ministère de la Santé et de l’Accès aux soins a aussi lancé une consultation publique, courant jusqu’à fin septembre, sur « l’IA au service de la santé » et fixe quatre priorités dans les réflexions menées, comme la « clarification de la réglementation et l’encadrement des usages de l’IA en santé», « l’évaluation des solutions d’IA et leur impact sur le système de soins», « l’accompagnement des professionnels et des établissements » ou encore la mise en place d’un « cadre économique durable pour soutenir l’innovation s’appuyant sur l’IA».
Le même jour, Clara Chappaz, ministre déléguée chargée de l’Intelligence artificielle et du Numérique, a dévoilé le programme interministériel « Osez IA». Si ce programme vise en priorité le développement de l’usage de l’IA dans les entreprises, le secteur de la santé y est cité à plusieurs reprises comme un « véritable levier » de déploiement de ces nouveaux outils. De quoi convaincre le ministre du « rôle moteur » revendiqué par la France en Europe dans l’usage des données et de l’IA en santé.