La synthèse des valeurs départementales 2024 de point Gir et de GMP de la CNSA présente une photographie du secteur du grand âge. Les différences de financement selon les territoires et la stagnation des réévaluations de la dépendance ressortent.
D’année en année, la valeur moyenne du point Gir (groupe iso-ressources dépendance) départementale progresse. La synthèse publiée par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) confirme non seulement cette tendance mais les évolutions sont, statistiquement parlant, encore plus marquées dans cette dernière édition. En 2024, la valeur moyenne du point Gir départemental, hors Guyane et Saint-Pierre-et-Miquelon, atteint 7,65 euros (€) soit une hausse de 2,5% par rapport à 2023. Cette évolution s’affiche à 7,5% depuis sa création en 2018 avec la loi d’adaptation de la société au vieillissement. Par comparaison, la valeur du point Gir moyen pondéré soins (GMP), servant au calcul de la dotation soins des Ehpad, a augmenté de 3% en 2024 et de 11,1% sur six ans. Si l’on s’en tient aux chiffres, en 2023 la hausse du point Gir départemental a été beaucoup plus modeste (1,1% par rapport à 2022) avec une évolution générale depuis l’instauration du dispositif à 4,3% (lire l’article Hospimedia).
Une évolution maîtrisée du GMP
La synthèse repose sur le recueil des valeurs de points Gir de 99 départements ainsi que de la collectivité de Saint-Pierre-et-Miquelon et les GMP départementaux de 85 départements. Dans le détail, la valeur maximale du point Gir à 9,47 € concerne la Corse et la valeur minimale à 6,60 € est observée dans les Alpes-de-Haute-Provence. En 2023, ces deux départements avaient le même classement. Dans le même temps, ce sont les Bas-Alpins qui bénéficient de la plus forte progression de leur Gir moyen pondéré (indicateur du niveau d’autonomie des résidents de +5,2% à 748,92). Globalement, le GMP moyen (pour les 85 départements ayant répondu à l’enquête 2024) est fixé à 744. La moitié des départements présentent un GMP moyen compris entre 730 et 760.
Éric Frégona, directeur adjoint de l’Association des directeurs au service des personnes âgées, interrogé par Hospimedia, souligne que la valeur moyenne du GMP a très peu évolué passant de 740 (en 2023) à 744, ce qui lui laisse penser que les départements ne réévaluent pas ou très peu le GMP des structures. Quant à l’évolution du point Gir départemental (2,5% en un an), il considère qu' »elle est loin d’être suffisante pour couvrir les charges réelles des structures« . Il cite en exemple le coût des protections qui, avec l’inflation, ont grevé les budgets des Ehpad. Selon lui, le dispositif actuel engrange des effets négatifs pour les établissements. Pour montrer leur bonne volonté, certains départements auraient, d’après lui, tendance à augmenter leur point Gir mais à faire stagner leur GMP. Dans le tableau de la CNSA, la grande majorité des établissements ont une faible évolution. Éric Frégona se demande alors si les départements procèdent bien à la réévaluation des GMP des structures tous les deux ans comme cela est réglementairement prévu. Le tableur affiche même des diminutions de GMP dans certains territoires alors que la tendance actuelle serait plutôt à l’augmentation de la dépendance des résidents d’Ehpad. Il se demande aussi si la réforme instaurant le point Gir départemental n’aurait pas freiné les départements vertueux qui étaient précédemment au-dessus de la moyenne.
Toujours des disparités territoriales
Sur Linkedin, Benjamin Caniard, responsable du pôle autonomie à la Fédération hospitalière de France, indique « qu’au fil des ans, l’écart de valeur de points [Gir] entre les départements tend à diminuer« . Il tempère ce constat en signalant que « cette différence reste énorme (et aussi incompréhensible qu’injustifiée pour les personnes âgées concernées)« . Concomitamment, il rappelle que le projet de convergence tarifaire devrait mener à la réduction des inégalités territoriales dans le financement de la dépendance et que « la fusion des sections soins et dépendance en Ehpad est une réforme importante, nécessaire et (très) attendue« . L’article 82 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 a officialisé la mise en œuvre d’une expérimentation pour vingt-trois départements à compter du 1er juillet 2025 et réduit de quatre à deux ans sa durée initiale avec l’espoir d’une généralisation dès 2027 (lire notre l’article d’Hospimedia).
Des changements attendus
De son côté, Jean-Christophe Amarantinis, président du Synerpa, répondant à Hospimedia, salue l’évolution des tarifs qui doivent permettre d’accompagner des personnes âgées de plus en plus dépendantes. Mais il fustige « les gels de recettes qui pendant plusieurs années ont bloqué les établissements dans leurs recrutements de personnel ou leur meilleure médicalisation pour mieux prendre en charge les résidents« . Il regrette aussi le retard de l’expérimentation de fusion des sections soins et dépendance et surtout le fait que « le montant de ce forfait global unique (ou point dépendance) soit fixé pour chaque établissement par le directeur général de l’ARS ». Il redoute avec ce système le maintien des inégalités, « chacun appliquant son tarif en fonction des priorités qu’il entend donner au grand âge et des ressources financières disponibles qui risquent de se faire de plus en plus rares« . Il rappelle en outre qu’en 2030 un tsunami démographique percutera les établissements et qu’il faudrait recruter 400 000 professionnels pour y faire face alors que le secteur du grand âge n’attire pas vraiment les candidats. Il s’étonne que la grille Aggir, qui évalue le niveau de dépendance des personnes hébergées en Ehpad, ne soit toujours pas retravaillée pour répondre à toutes les problématiques actuelles. Enfin, il ajoute « attendre avec impatience les arbitrages qui seront opérés dans les prochaines semaines concernant la dotation soins des Ehpad pour 2025, en espérant au regard des difficultés des établissements un signal fort du Gouvernement, soit une évolution significative« .