
Antoine Acoulon, Directeur Général d’ORATORIO, nous donne sa vision des évolutions et enjeux à venir dans le secteur de la santé.
Quelles ont été les dernières principales transformations du secteur de la santé ?
Les grandes transformations du secteur de la santé ont tendance à suivre les réformes. La loi HPST (Hôpital, patients, santé et territoire), promulguée en 2009, a défini une nouvelle organisation des établissements de santé en instaurant une organisation par pôles. A la tête de ce regroupement des services, on retrouve désormais un trio : le chef de pôle, le cadre supérieur de pôle et le directeur référent. Cette transformation a bouleversé les organisations des établissements, même si certains établissements peinent encore à la mettre en place de façon efficace et pérenne.
Une autre transformation importante a été la création des Groupements Hospitaliers de Territoires (GHT) en 2016. Aujourd’hui, je n’arrive pas à dire si cette logique de concentration et de regroupement va réellement perdurer. Si je n’ai aucun doute sur la capacité et la pertinence de concentration des fonctions achats et formation, la convergence des Systèmes d’Information (SI) me paraît toutefois beaucoup plus complexe à mettre en œuvre et à opérer. Je crains que les GHT ne deviennent qu’une strate administrative en plus. À moins que la feuille de route se tourne vers la fusion explicite structurée autour de supers établissements régionaux avec des établissements satellites – hôpitaux de proximité ou équivalents – qui gravitent autour.
Enfin, la 3ème transformation majeure a été la mise en place du programme “Ma santé 2022”. Il a notamment mis en avant plusieurs éléments structurants comme la relation ville/hôpital. Même si l’objectif de créer 1000 communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) avant 2022 est encore loin, il s’inscrit dans une véritable volonté de désengorger les hôpitaux, et notamment les services d’urgences en développant les soins de premier recours et en renforçant l’offre de primaire.
Quelles sont les prochaines grandes évolutions organisationnelles et managériales prévues ?
La crise sanitaire a accéléré – mais n’a pas généré, j’insiste sur ce point – une réflexion sur la gouvernance de l’hôpital, à travers des échanges entre médecins et directeurs qui revendiquent chacun leur légitimité pour diriger les établissements de santé. Le rapport de la mission Claris, publié en juin 2020, a mis en lumière la nécessité de faire converger les intérêts médicaux et administratifs, de façon structurée et organisée, pour arriver à une gouvernance efficiente et pertinente. Dans le prolongement de ce rapport, le ministre de la Santé et des Solidarités Olivier Véran a annoncé en avril 2021 l’obligation pour les établissements de santé de se doter d’un projet de management et de gouvernance. La circulaire du 6 août 2021 vient compléter les modalités de ce projet.
Enfin, le dernier enjeu qui me semble capital, ce sont les ressources humaines, d’autant plus que la situation déjà très critique a été exacerbée par la crise sanitaire. Les professionnels sont à bout de souffle, les taux d’absentéisme et de départs alarmants. Les établissements fonctionnent en tirant sur les capacités individuelles de façon structurelle depuis plus de deux ans. Il y a donc aujourd’hui, plus que jamais, des enjeux d’attractivité, de fidélisation et de mobilisation des ressources qui sont indispensables pour l’avenir et la pérennité des établissements de santé. Le Ségur de la Santé 2020 va d’ailleurs en ce sens en visant à stabiliser l’emploi des agents des établissements et ainsi les fidéliser.
Quelles opportunités créent ces transformations pour les entreprises du secteur sanitaire ?
Ces réformes induisent un besoin des établissements d’être accompagnés, notamment dans leurs transformations managériales et RH. Il ne doit toutefois pas s’agir de “faire à la place de” ! Les cabinets de conseil, pour être légitimes et respectés, doivent s’inscrivent dans une véritable démarche de « faire-avec » et de transmission des savoirs et des compétences pour que les changements initiés et déployés perdurent et s’inscrivent dans la durée.
En plus de la gouvernance ou des RH, d’autres secteurs, comme les SI ou la logistique, vont également avoir un rôle à jouer dans la structuration, notamment territoriale, des établissements de santé. La mise en place de la télémédecine à l’échelle d’un territoire, les rapprochements d’établissements vont transformer durablement le paysage sanitaire et médico-social. Ainsi, les besoins des acteurs vont plus que probablement continuer à se développer dans les prochaines années.