Promettant une feuille de route renouvelée, les nouveaux ministres en charge de la Santé et des Solidarités ont évoqué les dossiers les plus urgents lors de la passation de pouvoir avec leurs prédécesseurs. La crise à Mayotte est une priorité « absolue », mais le défi du budget et des moyens aux hôpitaux et Ehpad est également « immense ».
Crise sanitaire à Mayotte, budget de la sécurité sociale, moyens humains et financiers pour les hôpitaux et Ehpad… Les défis urgents affrontés par la nouvelle équipe du ministère de la Santé et des Solidarités ont été abordés ce 24 décembre à l’occasion de la cérémonie de passation de pouvoir, au lendemain de la nomination du Gouvernement de François Bayrou (lire l’article Hospimedia). À cette occasion, la ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles Catherine Vautrin et le ministre chargé de la Santé et de l’Accès aux soins Yannick Neuder ont commencé à évoquer une feuille de route. Également présente, Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée en charge de l’Autonomie et du Handicap, dont le portefeuille s’est élargi par rapport au précédent Gouvernement ne s’est pas exprimée, mais a échangé avec Paul Christophe, ministre des Solidarités, de l’Autonomie sortant.
« Défis immenses » en vue pour ce grand pôle
En préambule, Catherine Vautrin a naturellement évoqué la situation à Mayotte, où « l’on concentre les plus grandes difficultés » et la volonté du ministère « d’être à la hauteur de [cet] enjeu » colossal. Elle s’est par ailleurs réjouie de retrouver — après quelques mois — « ce grand pôle » ministériel qui est « le point de jonction des fondamentaux de notre République, le travail, la protection sociale et le système de santé« . Saluant le travail de ses prédécesseurs, elle a cependant expliqué qu’en « revenant retrouver [le ministère], il ne s’agit pas de reprendre une espèce de fil interrompu, mais évidemment de tracer une nouvelle feuille de route, avec évidemment des défis immenses qui nous attendent« . Elle a insisté sur son engagement « extrêmement clair, faire de la santé, de la solidarité, de la sécurité sociale, du travail, des priorités nationales, dans les mots mais surtout dans les actes« . La ministre a cité en exemple d’acte concret « la capacité de rendre à ces métiers toute leur attractivité« , avec la campagne Prendre soin sortie fin novembre.
« Il est extrêmement important que nous puissions donner aux soignants ce pouvoir de construire, construire leur quotidien, construire l’hôpital qui leur ressemble« , a-t-elle poursuivi. Catherine Vautrin a évoqué la perspective de « retrouver du temps médical, qui est un des sujets majeurs, alléger les charges administratives, penser évidemment aux conditions de travail, pour que les professionnels puissent se concentrer sur ce qui les anime, le soin, l’accompagnement des patients« . Elle a ensuite insisté sur « l’hôpital public [qui] reste notre trésor national et doit faire l’objet de toute notre attention » et sur l’engagement des soignants. Puis évoqué pour finir des sujets devant rassembler tout le ministère, comme « la santé mentale, la gratuité des fauteuils roulants, [ou encore] la protection sociale de l’enfance » et la protection de tous les publics vulnérables.
« Priorité absolue » à Mayotte
Yannick Neuder a adressé ensuite ses premières pensées aux habitants de Mayotte, aux forces de l’ordre, de secours, « à la réserve sanitaire qui se mobilise pour offrir des lits de soins critiques, […] fournir l’aide humanitaire, les soins d’urgence« . Il a précisé que l’hôpital de campagne sera « en fonction dès demain » (lire l’article Hospimedia) et que la réanimation mobile fonctionnera dès le 26 décembre. « La situation est grave, ce sinistre est terrible, la crise humanitaire sera forte« , a-t-il poursuivi, après avoir remercié Geneviève Darrieussecq, la ministre sortante pour sa mobilisation aux côtés du Premier ministre Michel Barnier. « Alors que le CH de Mayotte ne fonctionne encore qu’à 50% de ses capacités, de nombreuses évacuations sanitaires ont pu débuter et se dérouler dans de bonnes conditions« , a poursuivi le ministre évoquant « plus d’une centaine [d’évacuations] vers la Réunion, […] qui a pu dialyser quasiment une centaine de patients« . Yannick Neuder a annoncé qu’il se rendrait dans l’île « dans les jours qui viennent » et que cette crise était sa « priorité absolue« .
Le ministre a ensuite développé six points « importants » pour sa future politique. Il a souhaité en premier lieu agir en priorité en faveur des personnes éloignées des soins. Il a évoqué pêle-mêle les patients « qui se désespèrent de prendre rendez-vous chez un médecin, ou qui n’en trouvent pas, ceux qui s’éloignent du soin tous les jours, malgré l’aller vers, malgré le virage ambulatoire, malgré le virage domiciliaire, vers les personnes âgées, handicapées, avec un problème psychologique, psychiatrique, et surtout les patients porteurs de maladies chroniques« . Il a ensuite cité les enjeux du vieillissement de la population ou encore de la désertification médicale. Concernant le retard en matière de prévention, il a confié « en tant que cardiologue, [son souhait] de faire particulièrement un focus sur les maladies cardiovasculaires, qui doivent être une priorité nationale« . Le ministre a aussi développé les enjeux liés au cancer, dont celui du développement de l’hospitalisation à domicile et des soins palliatifs.
Résoudre « la crise des vocations et la crise de sens«
Autre priorité longuement abordée, les soignants, et les enjeux de « la crise des vocations et de [la] crise de sens« . « Cette attractivité des métiers, ce statut et ces socles de compétence, ce mal-être au travail, les problèmes de sécurité dans les établissements, mais aussi les professionnels de santé, voilà tant de dossiers que nous devons poursuivre ensemble, avec les ordres, avec les syndicats« , a poursuivi Yannick Neuder. Il a aussi estimé qu’il fallait « absolument [reprendre] le contrôle de la formation médicale et paramédicale dans ce pays » en indiquant que dans certaines filières, 50% des étudiants sont formés à l’étranger. « Je souhaite conformément à la loi que j’ai instaurée en décembre 2023, permettre rapidement de récupérer tous ces étudiants [partis à l’étranger] pour qu’ils poursuivent leur cursus en France, de permettre les passerelles et de pouvoir supprimer définitivement le numerus clausus« , a-t-il ajouté.
Par ailleurs, le ministre a plaidé pour « simplifier la vie aux élus locaux et leur permettre de territorialiser des actions » en matière de santé. « Je souhaite, et c’est un message que j’envoie à tous nos directeurs d’ARS, que l’on puisse veiller à chaque décision d’installation de laboratoires de biologie, d’IRM, de scanners, de reconstituer ces petites unités primaires de soins, ces hôpitaux, finalement, hors les murs, qui vont éviter le recours systématique à l’hospitalisation et qui vont prendre en charge les patients« , a-t-il développé.
Un PLFSS très attendu
Yannick Neuder a ensuite évoqué « la santé mentale chère à Michel Barnier qui en avait fait, à juste titre, une grande cause nationale pour 2025« . La psychiatrie, la pédopsychiatrie, les urgences psychiatriques sont « des secteurs qui nécessitent toute notre attention et qui nécessitent des moyens« , a-t-il souligné. Plus globalement, il a rappelé la « situation alarmante » au niveau financier des établissements sanitaires et médico-sociaux, gardant en tête les alertes des fédérations publiques et privées. Il a indiqué au passage que « la médecine de ville doit donc demeurer la seconde jambe de notre système de santé, à condition de pleinement lui accorder sa confiance et lui donner les moyens de ses ambitions« .
Pour tous ces chantiers, il faudra évidemment un budget, a-t-il conclu, s’attardant sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2025 — rejeté début décembre au Parlement avec la censure du Gouvernement de Michel Barnier (lire l’article Hospimedia), avec un nouveau texte devant être examiné en début d’année. « J’apporterai mon expérience de parlementaire, de rapporteur général pour coconstruire ce PLFSS avec les commissions des affaires sociales, de l’Assemblée nationale et du Sénat, avec cette philosophie qui a d’abord conduit que nos débats en commission mixte paritaire soient conclusifs, une première depuis quatorze ans« , a-t-il indiqué. Ce PLFSS est « très attendu par tous et doit donner des moyens de la visibilité aux acteurs de soins, ainsi qu’à nos établissements« , a-t-il poursuivi, assurant qu’il ferait « fi des jeux partisans » politiques et aborderait « dans un esprit de responsabilité et d’écoute » les débats budgétaires prévus en 2025.